Programme Renaissance : « Pourquoi te tiens-tu loin, Seigneur ? »
Psaumes réformés en français et polyphonies pour la cour d’Henri IV
LE JEUNE - GOUDIMEL - DU CAURROY
Ce programme de concert d’une heure quinze de musique française vocale de la Renaissance (époque Henri III et Henri IV) met en dialogue des textes de l’époque avec des pièces de Le Jeune et Du Caurroy, compositeurs de la chambre du roy du mouvement humaniste chrétien.
Voir un extrait
Claude Le Jeune, Psaume IV par l’Ensemble vocal Clément Marot.
Contexte
Clément Marot (1496-1544), poète valet de chambre du roi François Ier, libertin et dérangeant, fut accusé d’hérésie et connut souvent la prison. Exilé en Italie à Ferrare, il obtient de rentrer en France grâce à son abjuration de la foi réformée à Lyon, place Saint-Jean, devant l’évêque François de Tournon en 1536.
En 1539, François Ier promulgue l’édit de Villers-Cotteret ; cette même année il reçoit le manuscrit des 30 premiers psaumes traduits en français par Clément Marot, qui sont publiés en 1541 et 1543 avec privilège royal. Les poèmes sont lus et chantés à la cour et popularisent la cause protestante. Mais en ces temps troublés la protection du roi ne dure pas, et la querelle littéraire sur la versification française menée avec François de Sagon, de la Sorbonne, conduisent de nouveau Marot à s’exiler, à Genève puis à Turin.
Claude Goudimel (1505-1572) publie à Paris en 1564 un recueil mis en musique des 150 psaumes de Marot, dans une version homophone et rythmiquement assez simple, reprenant la mélodie officielle de l’Église de Genève dans une des voix. Cette version aura un grand succès.
Jean-Antoine de Baïf (1532-1589), poète et expérimentateur littéraire, obtient le soutien de Charles IX vers 1570 pour son Académie de poésie et de musique fondée avec Thibaut de Courville. Le roi est vraisemblablement séduit par l’aspect politique du projet pouvant rassembler les sujets catholiques et protestants dans un projet artistique novateur, centré autour de la musique mesurée à l’antique, « c’est-à-dire composée sur des vers eux-mêmes mesurés, contruits selon des schémas d’alternance de syllabes longues ou brèves, à l’imitation de la poésie des Grecs et des Romains1. » Claude Le Jeune, Jacques Mauduit et Eustache Du Caurroy sont les principaux musiciens de ce cercle, qui est dispersé par le massacre de la Saint-Barthélémy (1572).
Claude Le Jeune (1530-1600), après s’être réfugié près de La Rochelle auprès de gentilhommes protestants tels Aggrippa d’aubigné ou Odin de la Noue, devient maître compositeur ordinaire de la musique d’Henri IV en 1595. Mais en 1564, il avait déjà publié un premier recueil de 10 psaumes sur des textes français du théologien Théodore de Bèze — la même année que la parution du recueil de Goudimel. Ces compositions assez homophones présentent une grande liberté rythmique, donnant la primauté au texte et utilisant la prosodie au service de l’expression.
Eustache Du Caurroy (1549-1609) est chantre haute-contre à la chapelle royale, puis devient sous-maître de chapelle et compositeur. Admirateur de l’œuvre de Le Jeune dont il possédait des éditions, il publie dans son Meslanges de 1610 des chansons en français utilisant le principe de la musique mesurée à l’antique.
Programme musical
- Ludwig Senfl, Trauerode auf den Tod Kaiser Maximilian I, 1519
- Claude Le Jeune, Pseaume septiesme « En toy, Dieu bon et grand »
- Claude Le Jeune, Pseaume quatriesme « Enten de mes plaints »
- Claude Goudimel, Psaume XCCCVII, « Etans assis aux rives aquatiques »
- Claude Le Jeune, Pseaume diziesme « Pourquoy te tiens tu loin »
- Claude Le Jeune, Octonaires de la vanité et inconstance du monde « Ambition »
- Claude Le Jeune, Pseaume XCVI « Chantez à Dieu chanson nouvelle »
- Eustache Du Caurroy, Le juste que jugea le Juge tres injuste
- Eustache Du Caurroy, Ninfe qui tiens tant d’heur
Concert
Notre démarche vise à partager la beauté de la langue du XVIe siècle et de ces psaumes raffinés et poétiques avec les auditeurs d’aujourd’hui. Nous lisons quelques poèmes et textes en alternance avec les pièces chantées, qui font entendre en plus des psaumes en musique mesurée à l’antique des styles précédents (Senfl) ou contemporains (Goudimel) afin de mesurer tout l’aspect novateur de cette musique expérimentale de l’époque, qui nous semble maintenant bien naturelle !
Nous viendrons avec plaisir chanter ce programme dans votre ville. Contactez-nous pour organiser le concert.
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Isabelle HIS, Dix Pseaumes en forme de motets de Claude Le Jeune, 1564, collection épitome musical, Turnhout (BE) : Brepols, p. viii. ↩